Crise - Votre banque peut-elle se servir sur vos comptes en cas de difficultés ? - Actualité - UFC-Que Choisir (2024)

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Si votre banque venait à mettre un genou à terre en raison de graves difficultés, qu’adviendrait-il de l’argent que vous lui avez confié? Un mécanisme prévoit que les comptes des particuliers peuvent être ponctionnés pour son renflouement à partir d’un certain seuil. Mais qui est concerné et dans quelles circonstances?

Après une année 2020 marquée par la pire récession enregistrée depuis la Seconde Guerre mondiale –et près de trois fois plus grave que celle engendrée par la débâcle financière de 2008– les banques françaises sont-elles suffisamment solides pour résister aux conséquences économiques de la crise sanitaire? L’argent que nous leur confions est-il complètement à l’abri? Et qu’est-il prévu si le pire devait arriver? Ces questions peuvent traverser les esprits alors que les prévisions économiques n’incitent pas à l’optimisme. L’occasion de faire le point sur ce qui est prévu si un acteur bancaire venait à dérailler.

Pouvez-vous être contraint de participer au sauvetage de votre banque?

Oui. Mais seuls les clients (particuliers, indépendants, petites et moyennes entreprises) détenant plus de 100000€ dans une banque ou une entreprise d’investissem*nt qui vacillerait peuvent être mis à contribution. Ils participeraient alors à son renflouement interne, appelé «bail in». Cette solution a remplacé le «bail out», ou renflouement externe. «Lorsqu’une banque faisait face à des difficultés significatives, comme à la suite de la crise financière de 2008-2009, l’État intervenait pour la renflouer, ce qui revenait à mobiliser l’argent des contribuables pour la sauver», explique Romain Rard, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles pour le cabinet Gide Loyrette Nouel.

Pourquoi les règles ont-elles été modifiées?

Le système a changé depuis l’adoption de deux textes européens (directive du 15mai 2014 et règlement du 15juillet 2014), appliqués en France depuis le 1erjanvier 2016. «Ces cadres juridiques portent sur la résolution bancaire, c’est-à-dire le traitement administratif des difficultés financières des établissem*nts», précise Thierry Bonneau, professeur de droit bancaire et financier à l’université Paris II Panthéon-Assas. «La résolution, qui revient à faire des déposants les assureurs-vie des banques, consiste essentiellementà éponger les pertes financièreset éviter la propagation de la faillite à tout le système bancaire», complète Laurent Denis, avocat expert de l'intermédiation bancaire et en assurance chez Endroit Avocat. «Attention, il faut bien la distinguer de la garantie des dépôts, opérée par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), et déclenchée en cas de faillite», précise Thierry Bonneau (voir encadré).

Les particuliers seront-ils sollicités en premier lieu?

Non, ils bénéficient d’un traitement préférentiel. Une hiérarchie a été définie: les actionnaires (y compris les particuliers qui détiennent des titres de la banque), puis certains créanciers seront les premiers à devoir supporter les pertes de leur banque, jusqu’à 8% de son passif. Une recapitalisation par un fonds de résolution unique (FRU), abondé par toutes les banques européennes peut ensuite intervenir à hauteur de 5% du passif, mais elle est facultative. «Le traitement préférentiel qui concerne notamment les comptes des particuliers au-dessus de 100000€signifie que ceux-ci ne seront affectés qu’en tout dernier recours. Mais en réalité, les dépôts peuvent être ponctionnés dès que 92% ou 87% seulement du passif est épongé», souligne Laurent Denis.

Tous les établissem*nts sont-ils concernés?

Grandes ou petites, toutes les banques et entreprises d’investissem*nt qui se retrouveraient en graves difficultés peuvent être soumises à ce mécanisme. «En revanche, les sociétés de gestion de portefeuille et les entreprises d’assurance, qui détiennent notamment les contrats d’assurance vie souscrits via un réseau bancaire, ne sont pas concernées», détaille Laurent Denis. Seul change le décisionnaire. «Une dizaine d’établissem*nts bancaires français sont placés directement sous la houlette de la Banque centrale européenne (BCE) et donc du Conseil de résolution unique européen», détaille Thierry Bonneau. Parmi elles figurent BNP Paribas, la Société générale, le Crédit agricole… soit des banques dites «systémiques», dont la faillite déclencherait une réaction en chaîne au niveau mondial. Quant aux petit* établissem*nts, c’est au collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme français des banques, de prendre la décision. Dans tous les cas, si le pire devait arriver «la balle serait dans le camp des superviseurs en charge de la résolution qui poursuivront l’objectif d’une incidence minimale pour les contribuables et sur l’économie réelle et devront faire preuve de transparence pour expliquer sur la base de quels critères ils seraient amenés à choisir la résolution, et de quelle manière celle-ci serait mise en œuvre», note Romain Rard.

À quel moment la résolution peut-elle être déclenchée?

«Un certain nombre de critères doivent être réunis, l’idée étant que les difficultés de la banque soient telles que les procédures judiciaires classiques (redressem*nt ou liquidation judiciaire) ne permettent pas de les traiter rapidement sans perturber l’économie réelle», explique Thierry Bonneau. Mais avant d’en arriver au renflouement interne et à la ponction des comptes des déposants, d’autres leviers peuvent être activés pour tenter de sauver les meubles. «Pour une banque qui subit de fortes tensions financières, la meilleure manière de procéder est d’anticiper et d’intervenir en amont avec un plan préventif de rétablissem*nt, par exemple en renforçant ses fonds propres, par des levées de capitaux sur les marchés ou à travers des ajustements dans la gestion de ses actifs», analyse Romain Rard. Si elle n’arrive pas à trouver les liquidités nécessaires, les superviseurs bancaires, qui prennent alors la main, peuvent aussi activer plusieurs outils de résolution: vente des activités, intervention d’un établissem*nt relais ou encore séparation des actifs, ce qui conduirait à la création d’une «bad bank» (banque poubelle) où seront concentrés tous les actifs pourris. «Une solution que la France a expérimentée grandeur nature avec le Crédit lyonnais il y a 28ans», rappelle Laurent Denis.

L’Autorité de régulation européenne vient de lancer un stress-test géant sur 50banques européennes pour évaluer leur résistance à un scénario-choc: une crise sanitaire qui se prolongerait jusqu’en 2023 avec un cortège de mauvais chiffres économiques (chute du PIB, explosion des dettes des États, défaillances des crédits aux entreprises et aux particuliers, hausse du chômage…). Les résultats sont attendus pour le 31juillet 2021.

Ce mécanisme serait-il suffisant aujourd’hui?

Si depuis la dernière crise financière, le cadre juridique et règlementaire pour gérer les défaillances des banques a été renforcé, il est impossible de jauger de l’efficacité du mécanisme de résolution s’il devait être mis en œuvre. «Aucune information ni aucune statistique d’ensemble n’est publiée sur ce point essentiel, soulève Laurent Denis. Par exemple, on ne sait pas ce que donnerait ce système face à la crise de 2008.» Et Thierry Bonneau de s’interroger: «Est-ce que la production de règles non maîtrisées n’est-elle pas en soi systémique? La résolution étant l’exemple typique de règles qui peuvent le devenir, car elles impliquent que les autorités s’ingèrent dans le fonctionnement des groupes bancaires et qu’elles prennent des risques, ce qui est incompatible avec la liberté du commerce et de l’industrie.»

A-t-il déjà été éprouvé?

Depuis 2016, la résolution n’a été déclenchée qu’une seule fois, pour la banque espagnole Banco Popular (4millions de clients), finalement rachetée par sa concurrente Santander pour un euro symbolique et sans que les dépôts des particuliers supérieurs n’aient été touchés. À l’inverse, en Italie, pour les banques Monte dei Paschi di Siena (recapitalisée à hauteur de 4,3milliards d'euros), Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza (liquidées en 2017), c’est finalement l’État italien qui a mis la main à la poche. Une possibilité prévue dans le cadre de la règlementation qui prévoit qu’un «soutien public exceptionnel» reste possible pour éviter un dérèglement de l’économie et préserver la stabilité financière. Ce qui revient à dire qu’en cas de grave crise, le recours aux fonds publics, et donc à l’argent des contribuables, sera encore une fois la solution qui permettra de rétablir la sécurité du système bancaire…

Et pour des dépôts inférieurs à 100000€?

Le Fonds de garantie des dépôts et résolution (FGDR)* indemniseles clients d’une banque en faillite. Ceci dans certaines limites qui s’entendent par déposant et par établissem*nt.

  • Jusqu'à 100000€ pour les sommes détenues sur les comptes courants, comptes sur livret, les CEL et PEL,les livrets jeunes, les comptes à terme ou les espèces sur un compte titres (rehaussés de500000€ pour les dépôts exceptionnels temporaires: vente immobilière, héritage, succession…).
  • Jusqu'à 100000€ pour l’épargne placée sur les livrets A, livrets bleus, livrets de développement durable et solidaire (LDDS)et livrets d’épargne ­populaire (LEP).
  • Jusqu'à 70000€ pour les actions, obligations, Sicav, FCPI, FCP et autres titres financiers détenus sur un compte titres ou un PEA, en cas d’incapacité du prestataire à restituer les titres ou à dédommager les investisseurs..

Les assurances vie, de capitalisation ou les produits d’épargne retraite sont couverts par un mécanisme différent, opéré par le Fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Il s’élève à 70000€ par personne et par assureur.

*www.garantiedesdepots.fr

Crise - Votre banque peut-elle se servir sur vos comptes en cas de difficultés ? - Actualité - UFC-Que Choisir (2024)

FAQs

Crise - Votre banque peut-elle se servir sur vos comptes en cas de difficultés ? - Actualité - UFC-Que Choisir? ›

Oui. Mais seuls les clients (particuliers, indépendants, petites et moyennes entreprises) détenant plus de 100 000 € dans une banque ou une entreprise d'investissem*nt qui vacillerait peuvent être mis à contribution.

Est-ce que l'État peut se servir sur les comptes bancaires ? ›

Non seulement, l'Etat n'a rien annoncé de tel mais ce serait de toute façon illégal en l'état actuel des lois ». « A aucun moment l'Etat ne peut venir ponctionner une somme d'argent sur les comptes épargne des Français. Il ne pourrait pas non plus sur les comptes courants.

Comment protéger son argent en cas de crise financière ? ›

Les livrets d'épargne (livret A, livret jeune, etc.) peuvent être une bonne solution à court terme pour mettre de l'argent de côté sans risque. Restez toutefois attentif au niveau de l'inflation. La rémunération de ce type de placements est souvent très faible.

Est-ce que les banques peuvent prendre notre argent ? ›

Une banque, en cas de grosses difficultés, peut-elle ponctionner les dépôts des particuliers pour se renflouer ? C'est un élément que tous les clients n'ont pas à l'esprit, mais la réponse est oui.

Comment faire face à la crise financière ? ›

Voici comment vous y préparer :
  1. Révisez votre budget : essayez dès maintenant de réduire vos dépenses au minimum.
  2. Diminuez vos dettes : misez sur le remboursem*nt des dettes à court terme et à intérêt élevé.
  3. Repoussez les dépenses non essentielles : contentez-vous de vos acquis et résistez à l'envie de consommer.

Quelle est la meilleure façon de protéger vos comptes ? ›

Le choix d'un mot de passe sécurisé est essentiel pour protéger vos comptes bancaires en ligne. Évitez les mots de passe évidents comme votre date de naissance ou le nom de votre animal de compagnie. Choisissez plutôt un mot de passe complexe contenant des lettres, des chiffres et des caractères spéciaux.

Pourquoi il faut retirer son argent de la banque ? ›

Pour protéger son argent en cas de crise financière, il est important de placer son argent de façon à sécuriser un maximum son épargne quand on en a. Le meilleur moyen de se protéger est de ne pas laisser tout son argent sur son compte courant ou sur des comptes épargnes.

Quelles sont les banques à éviter ? ›

Sans grande surprise, les deux marques bancaires les moins appréciées sont les deux grandes banques commerciales à portée nationale, SG, née de la fusion entre les réseaux Société Générale et Crédit du Nord, et BNP Paribas.

Où placer son argent en cas de crise ? ›

L'investissem*nt immobilier apparait comme le meilleur placement pour investir son épargne pendant la crise. En effet, l'immobilier inspire confiance aux Français, c'est une réelle valeur refuge.

Où placer son argent en cas de krach boursier ? ›

Investissez aussi dans des secteurs d'activité variés.

Vous pouvez même envisager d'autres placements comme l'or ou les crypto-monnaies, mais aussi l'assurance-vie ou les livrets d'épargnes. Selon le montant dont vous disposez, vous pouvez aussi envisager les placements immobiliers.

Quels sont les trois banques qui vont disparaître en France ? ›

La société mère, La Banque Postale, propose d'ores et déjà aux clients de Ma French Bank d'ouvrir un compte chez eux.

Quelles sont les banques françaises les plus fragiles ? ›

Les banques françaises terminent à la dernière place

Cette moyenne française a cependant été plombée par la Banque Postale, qui termine l'exercice avec un ratio à 0,05%. Société Générale est à 8,19%, BNP Paribas à 8,35%, BPCE à 9,92%, Crédit Agricole à 9,94% et Crédit Mutuel à 11,43%.

Quelle est la banque la plus sûre en France ? ›

BNP Paribas

Il s'agit de l'une des banques les plus fiables de France, avec 200 ans de service auprès de clients particuliers et professionnels à son actif. La présence mondiale de cet établissem*nt permet aux clients d'accéder à un modèle bancaire intégré aux marchés mondiaux.

Quand aura lieu la prochaine crise financière ? ›

Si ce bear market continue de ressembler à celui du dégonflement de la bulle internet et à la crise des subprimes, alors le creux du marché pourrait être atteint au cours des derniers mois de l'année 2023, ouvrant la voie à un rebond fulgurant en 2024.

Comment une banque peut s'effondrer ? ›

Les crises financières proviennent notamment de la formation de bulles spéculatives, dues aux comportements mimétiques des agents sur les marchés financiers. L'interdépendance entre les différents agents économiques (comme les banques) entraîne des faillites en chaîne.

Comment se préparer à la crise à venir ? ›

Garder ses finances sur la bonne voie durant une récession
  1. Utiliser un fonds d'urgence plutôt que les services de crédit. ...
  2. Prévoir un budget ou évaluer son budget actuel. ...
  3. Conserver ses placements, même quand le marché boursier est à la baisse. ...
  4. Rechercher l'aide professionnelle d'un conseiller.
Jul 26, 2023

Quel compte l'état ne peut pas toucher ? ›

Quel compte l'État ne peut pas saisir ? Si le compte est négatif, aucune somme ne pourra être saisie : Il existe un solde bancaire insaisissable, dont le montant correspond au Revenu de Solidarité Active (RSA), soit 607,75 euros.

Quels sont les comptes bancaires insaisissables ? ›

Si le jour de la saisie, vous avez moins de 635,70 € ou tout juste 635,70 € sur votre compte bancaire, alors votre compte est laissé en l'état. Exemple : Si votre compte bancaire a 200 € avant la saisie, alors la banque laisse ces 200 € sur le compte. Aucune somme n'est prélevée sur le compte.

Qui a le droit de consulter les comptes bancaires ? ›

Autorité des marchés financiers (AMF) L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) est chargée d'assurer la surveillance des marchés financiers, la protection et l'information des…

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Author: Pres. Carey Rath

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